A la suite des Normae Servandae, la Congrégation pour la Cause des Saints a publié le 27 mai 2007 l'Instruction Sanctorum Mater avec l'approbation du Pape Benoit XVI. Ce document est venu pour redéfinir les règles contenues dans le précédent document ci-haut évoqué.
Nous voulons présenter au cours de
cette phase comment se déroule la procédure d'instruction diocésaine tel
qu'exposée dans l'instruction Sanctorum Mater.
- Cette phase commence par la présentation du libelle
de requête. Dans le cas des causes récentes, le postulateur présentera Ã
l'évêque diocésain compétent le libelle de requête à partir de la cinquième
année de la mort du serviteur de Dieu[i]. Avant
d'accepter le libelle, l'évêque devra vérifier si une authentique réputation de
sainteté ou de martyre et une authentique réputation de signes, se sont
développées au sein du peuple de Dieu durant ce temps à propos du serviteur de
Dieu (cf. art.25, § 3).
- L'acceptation du libelle : on conseille avant
tout à l'évêque diocésain de recueillir l'avis de la Congrégation des Causes
des saints pour savoir s'il n'y a pas, de la part du Saint Siège, d'obstacle Ã
la cause (cf. art. 45 ; § 1). Dans cette perspective, il donnera son
accord[ii]
au postulateur pour entreprendre la cause après avoir obtenu le nihil obstat de la Congrégation (cf.
art. 40, § 1).
- Une fois le libelle de requête accepté, l'évêque
demandera l'avis de la Conférence
épiscopale à laquelle il appartient sur l'opportunité d'entreprendre la cause
(cf. art. 41, § 1). Cet avis sera sollicité au cours d'une session ou de
l'assemblée plénière de la Conférence pour souligner la collégialité (cf. art.
42, § 2). Et la réponse de la Conférence devra être communiquée par écrit à l'évêque
requérant par le Président de la Conférence des évêques. Cette réponse écrite
sera souscrite par le Secrétaire de la Conférence (art. 42, § 2).
- Publication du libelle : Dans tout le diocèse,
en commençant par la cathédrale, l'évêque doit publier l'édit de l'entreprise
de la cause et inviter tous les fidèles à lui fournir des renseignements utiles
concernant la cause[iii].
Cette publication peut être faite aussi dans le journal ou le bulletin officiel
du diocèse (cf. art. 43, §§1-2). A son jugement, il rendra publique également
la demande dans les autres diocèses, bien sûr, avec le consentement des évêques
concernés.
L'instruction est une étape très
importante car le succès de la cause dépend en grande partie de la qualité de
son instruction. En ce sens, il est vivement recommandé à tous ceux qui prennent
part à l'enquête d'être particulièrement attentifs de sorte que dans la récolte
de toutes les preuves, rien de ce qui concerne la cause ne soit omis de quelque
manière que ce soit[iv] par
les officiers de l'enquête.
Les Sessions de l'instruction se
déroulent au siège permanent du tribunal du diocèse ou à un autre lieu
approprié[v]
(cf. art. 61, §1).
Elle est principalement consacrée Ã
la prestation de serment. Tous les officiers de l'enquête et l'expert médecin
prêtent serment et apposent leurs signatures au bas de la formule de serment
(cf. art. 51. 86. 92, § 1). La première session est présidée par l'évêque
diocésain ou par un prêtre qu'il nomme par décret pour le remplacer pour une
juste cause. Cette première session peut être célébrée en présence des fidèles
(cf. art. 86). Toutefois, il est extrêmement important de s'abstenir de tout
acte qui puisse conduire les fidèles à penser erronément que le début de l'enquête
comporte nécessairement la béatification et la canonisation du Serviteur de
Dieu (art. 88). Il revient à l'évêque diocésain de convoquer les participants
aux sessions tout en indiquant le lieu et l'heure. Les convocations seront
faites selon les normes canoniques (par citation ou autre moyen offrant les
garanties de sécurité)[vi].
Au cours de la première session, la charge de notaire est généralement confiée
au chancelier du diocèse où se déroule l'enquête de sorte que ce notaire soit
distinct de celui de l'enquête proprement dite[vii]
(cf. art. 90). Enfin, retenons que tous les actes de la cause qui ont été déjÃ
posés et tout le matériel déjà rassemblé doivent être joints aux actes de
ladite session[viii]. Toutes les autres sessions de l'enquête sont
présidées par le délégué épiscopal (cf. art. 91, § 2) ; mais avant de
procéder à l'interrogatoire des témoins, des experts tant en théologie qu'en
matière historique et archivistique doivent rechercher et examiner des preuves
documentaires.
Il s'agit d'un examen des écrits
publiés par le serviteur de Dieu soit par lui-même de son vivant, soit par
autrui. Cet examen sera fait par au moins deux censeurs théologiens nommés par
l'évêque diocésain. (cf. art. 62)[ix].
« Les noms des censeurs doivent demeurer secrets[x] ».
Dans leur examen, ces derniers doivent vérifier qu'il n'y a rien de contraire Ã
la foi et aux bonnes moeurs dans ses écrits (cf. art. 64, §1). A la fin de leurs
travaux, chaque censeur exprimera par écrit et de façon individuelle ses
appréciations sur le contenu des écrits du serviteur de Dieu tout en faisant un
rapport sur sa personnalité et sa spiritualité. Mais avant de remettre son
rapport, chaque censeur prêtera le serment d'avoir accompli fidèlement sa
charge ( cf. art. 64-65).
Les membres de cette commission
seront au moins trois experts en matière historique et archivistique[xi].
Leur devoir est « de rechercher et de rassembler tous les écrits encore
non publiés du Serviteur de Dieu, ainsi que tous et chacun des documents
historiques, aussi bien manuscrits qu'imprimés, qui concernent la cause de
quelque manière que se soit »[xii] .
Les experts doivent jurer d'accomplir fidèlement leur charge et de maintenir le
secret y afférent ; puis, ils ne manqueront pas d'apposer leur signature
au bas de la formule de leur serment (cf. art. 70). Les recherches de documents
sont effectuées dans les archives de tous les endroits où le Serviteur de Dieu
a vécu et a exercé ses activités (cf. art.71).
Une fois conclus les recherches et
le rassemblement des écrits inédits et des documents, ces experts rédigeront un
seul rapport soigné et détaillé qui sera communiqué à l'évêque ou à son délégué
avec la documentation rassemblée[xiii].
S'il existe d'éventuels obstacles concernant la cause, les experts ne
manqueront pas d'informer l'évêque ou son délégué lequel informera à son tour
le postulateur afin qu'il puisse les écarter (cf. art. 73, § 3). De même, si
quelques difficultés de nature théologique ou morale apparaissent dans les
écrits, ils informeront l'évêque ou son délégué, afin qu'il demande un avis aux
censeurs théologiens (cf. art. 74).
Enfin, « le rapport doit être
signé in solidum, c'est-à -dire par tous les experts de la commission
historique »[xiv].
Les causes récentes et les causes
anciennes suivent la même procédure en ce qui concerne l'interrogatoire (cf.
art. 77, § 1). Le postulateur et/ou le vice-postulateur ne doivent pas
participer aux sessions tenues pour l'audition des témoins (cf. art. 94). Chaque
témoin doit déclarer l'origine de sa connaissance des faits sinon son
témoignage est à considérer comme nul (cf. art. 103, § 2).
·
Qui peut être témoin ?
Doivent être appelés Ã
témoigner : les témoins indiqués dans le libelle de requête[xvi],
les témoins ex officio tels les
experts en matière historique et archivistique, les témoins oculaires, les
consanguins et les parents, les co-témoins. Peuvent être convoqués aussi Ã
témoigner, les médecins qui ont soigné la personne guérie et les experts
médecins ab inspectione. Tous les
témoins doivent être dignes de foi et prêter serment avant leur déposition (cf.
art. 96-99).
·
Qui ne peut pas être témoins ?
Ne peut être admis comme témoin, un
prêtre qui a pour source de sa connaissance le sacrement de la confession Ã
savoir : les confesseurs habituels et les directeurs spirituels du serviteur
de Dieu. Ne peuvent pas aussi être témoin le postulateur ou le vice-postulateur
en charge de la cause (cf. art. 101-102).
·
Les outils d'enquête
Peuvent être utilisés comme outils
d'écoute des témoins : un magnétophone, l'ordinateur. Dans ce cas, à la
fin de l'interrogatoire, chaque témoin doit écouter sa déposition enregistrée
de manière qu'il soit capable de supprimer, d'ajouter, de corriger ou de
modifier son propre témoignage. Le témoin doit déclarer avoir exercé ce droit en
apposant sa signature. A la fin, toutes les réponses des témoins doivent être
transcrits et si possible, signées par les mêmes témoins (cf. art. 111-113).
·
Le contenu des questions
C'est le
promoteur de justice qui rédige les interrogatoires
pour l'audition des témoins ; si nécessaire,
il peut se faire aider par un expert. Il signe
les interrogatoires en apposant au bas du document le lieu et la date (cf. art.
78, §§2-3).
Quant au contenu des questions[xvii],
le questionnaire doit commencer par les questions sur l'identité du témoin et
sur ses rapports avec le serviteur de Dieu. Les questions doivent être brèves, claires,
pas insidieuses, ni sournoises et ne doivent pas suggérer des réponses. Enfin, elles doivent être adaptées à la compréhension
du témoin car l'interrogatoire doit mettre en évidence la connaissance des
faits concrets et les sources de cette connaissance. Dans les enquêtes sur les
vertus, les questions doivent amener les témoins à donner des exemples précis
et spécifiques de l'exercice de chacune des vertus (cf. art. 79). Si l'enquête
doit porter sur un miracle présumé, le matériel rassemblé par le postulateur
doit être remis par l'évêque compétent à un expert en la matière qui aidera le
promoteur de justice en lui proposant des questions spécifiques à insérer dans
les interrogatoires (cf. art. 81).
·
Procédure de l'enquête rogatoire
Pour des témoins qui, résidant dans
un autre diocèse, sont dans l'impossibilité de se rendre dans le diocèse où
s'instruit l'enquête et qu'il faille les écouter, l'évêque a quo envoie
à l'évêque ad quem une lettre communicant les noms et adresses de ces
témoins afin de demander une enquête rogatoire. L'évêque ad quem doit
suivre les procédures des Normae servandae et celles de Sanctorum Mater. Si cela apparaît
opportun, les officiers de l'enquête peuvent se transférer dans le diocèse ad
quem pour entendre les témoins, après avoir obtenu l'autorisation écrite de
leur évêque[xviii]. Enfin,
les actes originaux de l'enquête rogatoire, fermés et scellés avec le sceau de
l'évêque ou de son délégué, sont conservés dans les archives du diocèse et une
copie de ces mêmes actes est envoyée à l'évêque a quo[xix].
Selon les dispositions du Pape Urbain
VIII, il est interdit qu'un serviteur de Dieu soit l'objet d'un culte public
sans l'autorisation du Saint Siège (cf. art. 117). A cet effet, avant la
conclusion de l'enquête, l'évêque diocésain doit s'assurer que cette
disposition n'est pas violée. Pour cela, l'évêque ou son délégué, le promoteur
de justice et le notaire de la cause doivent inspecter la tombe du serviteur de
Dieu et sa chambre où il a vécu et/ou dans laquelle il est mort puis éventuellement
d'autres lieux où l'on pourrait découvrir un culte indu. Tout cela est assorti
d'un rapport (cf. art. 118). Si rien n'est décelé, l'évêque ou son délégué
procède à la rédaction de la «Déclaration sur l'absence de culte» (cf. art.
119).
La publication des actes consiste Ã
mettre à la disposition du promoteur de justice et du postulateur les actes
originaux ou archétype lesquels ont le droit les examiner (cf. art. 121, § 1-
122, § 1). A cet effet, après avoir rassemblé toutes les preuves documentaires
et testimoniales, l'évêque ou son délégué doit procéder, par décret, à cette
publication des actes de l'enquête. Dans ce décret, sera manifeste la décision
de l'évêque de procéder à la clôture définitive de l'enquête (cf. art. 120). Le
promoteur de justice comme le postulateur peuvent demander d'autres
investigations (cf. art. 121, § 2- 122, § 2).
Quelques
activités importantes avant la clôture de l'enquête
Avant la clôture de l'enquête,
l'évêque ou son délégué doit remplir certaines obligations importantes :
la traduction des actes originaux dans une langue admise[xx]
par la congrégation et pour ce faire, il doit nommer un traducteur (cf. art.
124-127) ; la préparation du Transumptum[xxi],
et pour cela, il doit nommer un copiste[xxii],
la collation et la comparaison des pages de l'archétype et de toutes celles du transumptum, puis la nomination du
courrier. Mais, après la collation et la comparaison du transumptum avec l'archétype, le copiste devra préparer une seconde
copie conforme à l'original appelée copie publique[xxiii].
Enfin, avant de procéder à la clôture définitive de l'enquête, l'évêque
diocésain peut procéder à la reconnaissance canonique de la dépouille mortelle
du serviteur de Dieu (cf. art. 141).
Cette dernière session doit être
présidée par l'évêque diocésain lui-même[xxiv]
et habituellement en présence des fidèles (cf. art. 141, §3). Au cours de cette
dernière session[xxv],
·
L'évêque déclare l'enquête définitivement close par un
décret ;
·
Le courrier jure d'accomplir fidèlement sa
charge ;
·
Tous les officiers de l'enquête jurent
individuellement d'avoir exercé fidèlement leur charge et de conserver le
secret y afférent ;
·
Le procès-verbal de ladite session est dressé et joint
aux actes ;
·
L'évêque ordonne que le pli de l'archétype soit fermé,
cacheté et conservé dans un endroit sûr des archives du diocésaines ;
·
Enfin, il ordonne que les plis du Transumptum
et de la copie publique soient fermés, cachetés et envoyés à la Congrégation
des Causes des Saints ; sur chaque pli l'évêque ou son délégué appose
l'inscription externe, à savoir le feuillet qui porte la déclaration signée de
l'évêque et du notaire où est décrit le contenu du pli et attesté sa fermeture
sûre et définitive ;
·
Celui qui a présidé l'enquête remet les plis au
courrier ainsi qu'une enveloppe fermée et cachetée contenant une lettre
adressée au Préfet de la Congrégation. Dans cette lettre35 , il doit attester la crédibilité
des témoins et la régularité des actes de l'enquête, formuler les observations
et les remarques (cf. art. 147).
Enfin, le pli des lettres contiendra également
l'Instrument de clôture : une déclaration sur papier à l'en-tête, dans
laquelle l'évêque certifie le contenu des plis et en déclare accomplie la
clôture.
Liste des actes envoyés à la Congrégation pour les
Causes des Saints : cf. art. 138, § 2, 3, 4, 5.
·
le Transumptum, la copie publique, un exemplaire
des écrits publiés du serviteur de Dieu déjà examinés et les rapports des
examinateurs ;
·
Deux exemplaires des actes traduits, la traduction a
été faite ;
·
Les écrits du serviteur de Dieu et les documents
recueillis par les experts dans le domaine historique et archivistique.
Nous retenons à la fin de ce
chapitre que la procédure de béatification et de canonisation des serviteurs de
Dieu à l'étape diocésaine obéit à des normes précises telles que l'Instruction Sanctorum Mater nous les présente.
L'enquête et l'instruction de la
cause étant achevées au niveau diocésain, l'étape suivante revient au Saint
siège.
(A suivre)
Par Abbé Agathon Gahungu
[i]
Cf. Art. 26, §§1-2. « Dans le cas où l'on présente le libelle de requête
plus de trente ans après la mort du Serviteur de Dieu, le postulateur devra préciser
les motifs qui sont à l'origine de ce retard » (Art.26,§1). Et dans ce
cas, l'Évêque vérifiera et évaluera si l'acteur n'a commis aucune fraude ou
tromperie en sursoyant à la présentation du libelle (cf art.26, §2). Ensuite,
il attestera par une déclaration écrite l'absence de fraude ou de dol et il y
exposera les raisons particulières qui sont à l'origine du retard (art. 27).
Enfin, il n'oubliera pas de joindre sa déclaration aux actes de l'enquête (cf.
27§ 2).
[ii] « Si, pour de
justes motifs, l'Évêque décide de ne pas accepter le libelle de requête, il
devra communiquer par décret sa décision au postulateur en en indiquant les
raisons » (art. 40, §2).
[iii] Si du fait de ces informations, un obstacle d'un poids important contraire
à la cause devait surgir, l'évêque doit informer le postulateur afin qu'il
l'écarte éventuellement ; mais dans le cas où l'obstacle n'a pas pu être
écarté et où il pouvait empêcher d'entreprendre la cause, l'évêque doit le
communiquer au postulateur par décret en exposant les motifs de sa décision
(cf. art. 44).