Comme l'eau se mêle au vin pour le sacrement de l'Alliance, l'homme s'unit à la divinité de Celui qui a pris notre humanité
Au cours de la messe, au moment de la prière d'offertoire, le prêtre verse une goutte d'eau dans le calice contenant le vin et dit, à voix basse: «Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l'Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité» (Théologie «l'admirable échange» de Saint Augustin). Mais, pourquoi cette eau, «un si peu d'eau»? Ce geste, d'emblée modeste, mérite un éclaircissement, surtout qu'aucun récit évangélique de l'institution de l'Eucharistie ne fait mention de l'eau à la dernière Cène.
L'Abbé Jerry Urlich CIMPAYE, Prêtre à la Cathédrale Regina Mundi, nous donne la signification de ce rituel.
Généralement, nous savons que l'homme mélange de l'eau avec un autre liquide soit pour diluer la teneur de la concentration (à titre d'exemple le jus, la grenadine), soit pour diminuer la teneur de l'alcool (à titre d'exemple, la liqueur). L'adjonction d'eau dans le calice contenant du vin est historique, et Saint Justin en faisait déjà mention au IIème siècle. Cette eau, qui a surtout reçu une valeur symbolique, rappelle le sacrifice du Christ qui, de son côté ouvert, laissa couler du sang et de l'eau (Jn.19,34). Pour les orientaux, cette adjonction de l'eau au vin signifie les deux natures du Christ: l'eau de son humanité jointe au vin de sa divinité. Chez les latins, elle exprime davantage l'union de l'Eglise au sacrifice du Christ.
La messe est en effet le sacrifice de toute l'Eglise, et cette petite goutte d'eau dans le calice c'est nous! «Par l'eau, c'est le peuple qu'il faut entendre, et par le vin, le sang du Christ», explique saint Cyprien (257). «Quand on mêle l'eau au vin dans le calice, c'est le peuple qui ne fait plus qu'un avec le Christ; c'est la foule des croyants qui se joint et s'associe à celui en qui elle croit», martèle-t-il.
Cette goutte d'eau symbolise donc notre humanité qui est «divinisée» par le Christ, dans l'Eucharistie. Ainsi, comme l'eau se mêle au vin pour le sacrement de l'Alliance, l'homme s'unit à la divinité de Celui qui a pris notre humanité. Pour cela, quand on consacre le calice du Seigneur, on ne peut plus offrir l'eau toute seule, non plus le vin tout seul. Si on n'offre que le vin, le sang du Christ se sépare de nous, s'il n'y a que de l'eau c'est le peuple qui se sépare du Christ.
En somme, ces quelques gouttes d'eau nous amènent à notre divinisation: «Le Christ s'est fait homme pour nous diviniser». Donc, le verbe s'est incarné, habitant l'homme pour s'habituer à lui, mais aussi pour habituer l'homme à recevoir Dieu. De fait, la gloire du Père est de retrouver l'homme perdu et de vivifier le mortel, afin de le rendre temple de Dieu nous dit Saint Athanase.
Du coup, loin d'être une quantité supplémentaire, ce geste nous rappelle que les fidèles ont droit à une catéchèse qui unisse leur foi à l'action liturgique. Eucharistie, gage de l'immortalité, c'est-à -dire le lien entre l'Eucharistie et la création, lien entre l'Eucharistie et résurrection, tout cela dans la seule optique de notre achèvement: la vision de Dieu disait Saint Irénée de Lyon.
Dieu se fait homme. Et, ce faisant, Il nous propose librement de nous unir à sa divinité. La relation qu'il nous propose dépasse celle du du maître à son disciple. Jésus nous appelle maintenant ses «amis». Alors, quand nous voyons le prêtre verser un peu d'eau dans le calice, ravivons notre désir de l'union au Christ, et disons: «Seigneur, prends-moi, absorbe-moi comme l'eau est absorbée par le vin».
Abbé Jerry Urlich CIMPAYE, Cathédrale Regina Mundi